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Intervention du Président Hervé Longuet dans la lettre n°71 du Souvenir Francais

« L’année 2022 marque la « fin officielle » de la guerre d’Algérie, ce pays accédant à l’indépendance le 5 juillet 1962. Comme chaque année depuis 60 ans maintenant, la question est récurrente. Faut-il commémorer la fin de ces huit années de guerre le 19 mars, les accords d’Évian, signés la veille, prévoyant à cette date le cessez-le-feu sur l’ensemble du territoire algérien ? L’Union nationale des combattants, association intergénérationnelle qui regroupe depuis plus d’un siècle tous ceux qui, des trois armées et de la gendarmerie, du 2e classe à l’officier général, ont porté les armes de la France, dont de nombreux anciens combattants d’AFN, estime qu’il n’est pas décent de commémorer le 19 mars.
Qui peut prétendre que la guerre d’Algérie a vraiment pris fin le 19 mars 1962 ?
En effet, les faits sont têtus et les chiffres parlent. A Évian, le 18 mars 1962, des représentants du FLN consentent à apposer leur signature à côté de trois ministres français au bas d’un déclaration finale qui prévoit notamment l’instauration d’un cessez-le-feu devant s’appliquer sur tout le territoire algérien dès le lendemain à midi. Aussitôt, le commandement français, l’impose à ses troupes, avec toute la rigueur d’une organisation militaire conventionnelle et donne l’ordre de n’intervenir qu’en cas de légitime défense. Les unités françaises, sur le terrain, se replient dans leurs bases et s’astreignent à respecter scrupuleusement ce cessez-le-feu. Malheureusement, il n’en est pas de même pour les unités de l’ALN. Profitant du regroupement des forces françaises, elles violent délibérément les dispositions des articles 2 et 3 des accords d’Évian et occupent l’ensemble du terrain d’où elles avaient été éradiquées lors des grandes opérations Jumelles de juillet 1959 à avril 1960. En outre l’armée des frontières, confinée en Tunisie et au Maroc, franchit les frontières.
Profitant de l’inaction des forces françaises sur ordre de Paris, l’ALN se livre dès la fin mars à des représailles épouvantables et d’une très grande ampleur sur les populations jusqu’alors protégées par l’armée française. Qui peut avoir l’audace de nier ces violences sans précédent dont le nombre va s’accroitre tout au long du printemps 1962, voire après ?
Le nombre de morts ou de disparus civils est estimé par les historiens à un minimum de 75 000 chez les soldats, harkis et autres supplétifs et leurs familles dans la population musulmane, auxquels s’ajoutent plusieurs milliers de morts ou disparus dans la population européenne.
Ces accords, par ailleurs, imposent aux deux parties de libérer leurs prisonniers dans un délai de vingt jours, et une amnistie générale est décidée. L’armée française ouvre grandes les portes des centres de détention alors que l’ALN ne libère pas tous ses prisonniers, loin s’en faut. Enfin, qui oserait passer sous silence les 750 militaires français, tués, assassinés ou enlevés après le 19 mars 1962 ?
On constatera aussi que l’ensemble des textes encadrant la fin de ce conflit fixe la fin de la campagne officielle sur ce théâtre d’opération au 2 juillet 1962 (date de l’indépendance algérienne), comme l’atteste le décompte des services de tous les personnels militaires qui y ont séjourné entre le 19 mars et le 5 juillet 1962, et la carte du combattant aux ayant droits est attribuée pour les services effectués en Algérie jusqu’au 1er juillet 1964, ce qui porte à reconnaitre implicitement que la guerre n’a pas pris fin le 19 mars 1962.
Pourquoi commémorer le début d’un massacre ?
L’histoire retiendra que la guerre d’Algérie a fait un nombre de victimes triple après sa fin « officielle » qu’avant ! A titre d’exemple, pour la seule population européenne, le nombre des disparus s’élève à 332 sur les huit premières années de guerre et jusqu’au 18 mars 1962. Il est de 1253 du 19 mars 2022 à la fin de la même année. (1) A lui seul, le fait historique de violation des clauses du cessez-le-feu par le FLN interdit décemment d’en commémorer le souvenir.Pour tous ceux, hommes, femmes et enfants, combattants ou civils, qui ont perdu la vie après le 19 mars, et pour leurs proches, cette date ne signifie en aucun cas la fin de la guerre d’Algérie. Vouloir à tout prix passer outre en commémorant ce soi-disant « cessez le feu » que l’on peut transposer en « commencez le massacre », c’est accepter de trahir leur mémoire, voire de relativiser ces massacres ou pire de les oublier.
N’est-ce pas une attitude outrageante à l’égard de ceux qui sont morts en Afrique du Nord pour la France, ceux qui en sont revenus meurtris dans leur chair et dans leur âme, ceux qui ont fait leur devoir pour leur pays ? L’UNC, qui perpétue depuis maintenant un siècle le souvenir des combattants morts pour la France ou pour le service de la nation et sert leur mémoire, ne peut se résoudre à ce déni d’honneur en 2022, fidèle à la position qu’elle a adoptée dès 1963 et dont elle n’a jamais dévié. Pour autant, l’UNC qui a une lecture réaliste, assumée, décomplexée et constructive de l’Histoire de la France est tout à fait disposée à discuter d’une date qui fasse l’unanimité et qui pourrait être le 16 octobre, date de l’inhumation du Soldat inconnu d’Afrique du Nord à la nécropole nationale de Notre-Dame de Lorette, ou mieux, le 11 novembre, la loi du 28 février 2012 faisant de cette journée nationale une journée d’hommage à tous les » Morts pour la France », quel que soit le conflit. »
(1)Un silence d’État, Jean-Jacques Jordi, Sotéca, p. 158.